Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/33

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banc, et l’eau envahit silencieusement les Sables-Tremblants, agitée seulement d’un long frémissement. Endroit triste et désert, je vous l’assure ! Aucune barque ne s’aventure près de là ; les enfants du hameau de pêcheurs, nommé le Cobb’s Hole, n’y viennent point jouer, et les oiseaux même du ciel semblent fuir les Sables-Tremblants.

Ce qui passe croyance, c’est qu’une jeune femme, ayant cent promenades agréables à sa disposition, et de la compagnie pour se distraire, préfère ce vilain trou, et vienne là lire et travailler toute seule.

Il n’en est pas moins vrai, expliquez-le comme vous pourrez, que cette jolie retraite était la promenade favorite de Rosanna, sauf lorsqu’elle allait jusqu’à Cobb’s Hole, pour y voir la seule amie qu’elle possédât dans le pays, et sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Je me mis donc en marche pour rejoindre Rosanna dans le lieu présumé de sa retraite et pour l’envoyer dîner ; nous voici revenus, vous le voyez, au point de départ de mon histoire des Sables.

Je ne vis aucune trace de la jeune fille sous les sapins. Lorsque j’arrivai sur le rivage, je la trouvai couverte d’un grand manteau gris qu’elle portait toujours pour dissimuler, autant que possible, la difformité de son épaule, la tête coiffée de son petit chapeau de paille. Elle était seule, occupée à contempler les sables mouvants et la mer.

Elle tressaillit à mon approche et détourna la tête. Je la retournai de mon côté, n’admettant pas plus cette manière de ne pas me regarder en face, que la mauvaise humeur sans cause, et je vis qu’elle pleurait. Je tirai gracieusement de ma poche mon mouchoir, un des six foulards hors ligne que m’avait donnés Milady, et le tendis à Rosanna, en lui disant : « Asseyez-vous sur le sable près de moi, ma chère, séchez vos yeux d’abord, puis veuillez m’apprendre la cause de vos larmes. »

Quand vous serez arrivé à mon âge, vous verrez que de s’asseoir sur le bord du rivage est un travail plus long que vous ne le croyez maintenant. Pendant le temps que je mis à m’installer, Rosanna avait déjà essuyé ses yeux avec un vulgaire mouchoir de cotonnade ; elle semblait tranquille, mais malheureuse ; elle s’assit pourtant près de moi. Si vous