Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Tout en comptant avec cette dernière cause de déchet, le plus bas mot des évaluations montait pourtant à 20,000 livres.

« Je vous laisse à penser la stupéfaction de mon père ! Il avait été sur le point de refuser sa mission, et eût ainsi laissé sortir de la famille ce joyau hors ligne. L’intérêt qu’il portait dès lors à cette affaire le décida à décacheter les instructions déposées avec le diamant. M. Bruff me montra ce document, avec les autres papiers, et, à mon avis, cette lecture permet de se faire une idée de la conspiration qui menaçait la vie du colonel.

— Ainsi donc, monsieur, lui dis-je, vous croyez que la conspiration existait ?

— Ne possédant pas l’incomparable bon sens de mon père, reprit M. Franklin, je crois fermement que la vie de mon oncle était en danger, comme lui-même l’affirmait. Les instructions que je lus expliquent, à mon avis, comment, malgré cela, il finit par mourir dans son lit.

« Dans l’hypothèse d’une mort violente, signalée par l’interruption des lettres à date régulière, mon père était chargé d’envoyer secrètement la Pierre de Lune à Amsterdam. Elle devait y être remise entre les mains d’un célèbre tailleur de diamants, et coupée par lui en quatre ou six pierres. Ces diamants auraient été vendus au meilleur prix possible et la somme appliquée à fonder la chaire de chimie, que depuis lors le colonel avait dotée par son testament. Maintenant, Betteredge, faites usage de votre perspicacité, et lisez la conclusion qui résulte des instructions du colonel ! »

Je fis appel à mon intelligence. Elle se ressentait du désordre inséparable des esprits anglais, et tout y était confusion, jusqu’à ce que M. Franklin prît la peine de guider mon esprit, et m’amena à voir ce que je ne pouvais découvrir à moi tout seul.

« Remarquez, dit-il, que le colonel a eu l’habileté de protéger ses jours contre toute violence en faisant dépendre de sa propre conservation l’intégrité du diamant.

« Il ne lui suffit pas de dire aux ennemis qu’il redoute : « Tuez-moi, et vous n’en serez pas plus avancés qu’à l’heure présente, où le diamant est hors d’atteinte dans le coffre-fort d’un banquier. » Au lieu de cela, il leur dit : « Tuez-moi, et le joyau ne sera plus la Pierre de Lune ; son identité sera