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qui s’écoulèrent jusqu’au jour de naissance de miss Rachel.

Les jongleurs continuèrent à exhiber leurs tours dans la ville ou aux environs ; M. Franklin et moi restâmes dans l’attente, décidés à ne pas mettre les coquins trop sur leurs gardes en dévoilant hâtivement nos soupçons.

Sur cet exposé de nos situations respectives, je finirai tout le récit de ce que j’ai à dire des Indiens pour le moment.

Le 29 de ce mois, M. Franklin et sa cousine découvrirent une manière nouvelle de passer le temps qui eût pu, sans cet amusement, leur sembler un peu long. J’ai des raisons qui se développeront plus tard de vous faire particulièrement remarquer quel genre d’occupation ils adoptèrent.

Les gens du monde en général ont un grand élément d’ennui dans leur existence : c’est leur paresse.

Leur vie se passe la plupart du temps à la recherche d’une occupation, et il est curieux de les voir souvent se divertir à quelque chose de bizarre, de laid ou de sale. Ceux qui ont ce qu’on appelle des goûts intellectuels semblent surtout atteints de cette manie ; neuf fois sur dix ils tourmentent quelqu’un, ou bien ils abîment quelque chose et restent convaincus qu’ils ajoutent beaucoup à la culture de leur esprit, quand la vérité tout unie est qu’ils ne font que salir et déranger une maison. J’ai vu des dames (je le dis à regret), aussi bien que des messieurs, sortir, les poches pleines de vieilles boîtes à pharmacie, pour aller à la chasse des lézards, des escargots, des araignées et des grenouilles. De retour au logis, on transperce ces pauvres bêtes avec des épingles ou bien on les coupe en petits morceaux sans éprouver le moindre remords.

Vous trouvez l’un de vos jeunes maîtres en extase devant une araignée qu’il contemple au travers d’une loupe ; ou bien vous vous butez contre une malheureuse grenouille qui descend l’escalier sans sa tête ; et lorsque vous vous récriez contre ces inutiles cruautés, on vous répond que votre jeune maître ou votre jeune maîtresse montre ainsi son goût pour l’histoire naturelle.

D’autres fois, ils gâteront une belle fleur en la lardant de vilains instruments sous le prétexte d’apprendre sa structure. Sa couleur en sera-t-elle pourtant plus belle ou son parfum plus doux, lorsque votre stupide curiosité sera sa-