Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/65

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tisfaite à ses dépens ? Mais qu’importe ? il faut, entendez-vous, il leur faut tuer le temps ! Enfant, vous tripotiez de la boue, et vous faisiez de franches saletés ; arrivé à l’âge d’homme, vous vous plongez, croyez-vous, dans la science, en disséquant des fleurs et des insectes ! Cela revient toujours à dire que vous n’avez pas d’idées dans votre pauvre cervelle vide, et rien à faire de vos pauvres mains oisives. Parfois cette agitation stérile aboutit à couvrir une toile de peinture dont l’odeur empeste la maison ; ou bien vous gardez des larves et d’autres horreurs dans des bocaux pleins d’eau sale qui soulèvent le cœur à vos voisins ; puis, vous semez des débris de cailloux en guise d’étude géologique dans tout le logis ; ou bien encore vous vous tachez les doigts avec le collodion, et aucun visage ami ne trouve grâce devant votre appareil photographique.

Il est clair qu’il est souvent dur aux gens qui ont leur vie à gagner, d’être obligés de travailler pour se procurer les vêtements qui les couvrent, le toit qui les abrite et le pain qui les nourrit ; mais comparez le métier du plus pénible à cette existence d’oisiveté qui s’en prend aux animaux et aux fleurs et vous remercierez encore le ciel que votre tête soit forcée de penser et vos mains obligées de se remuer.

Quant à M. Franklin et à miss Rachel, je leur dois la justice de dire qu’ils ne torturaient rien ; ils se bornaient à gâcher, et n’abîmèrent que les panneaux d’une porte. Le génie universel de M. Franklin lui faisant tout entreprendre, il se lança dans ce qu’il nommait la peinture décorative. Il avait inventé, daigna-t-il nous dire, un nouveau procédé de détrempe, et il attribuait à cette composition les qualités d’un agent actif. Quels ingrédients y figuraient, je l’ignore, mais l’effet qu’elle produisait, je puis vous le dire en deux mots, elle infectait.

Miss Rachel n’ayant pas de cesse qu’elle n’eût essayé cette nouvelle merveille, M. Franklin fit venir les matières premières de Londres, opéra le mélange, qui tout d’abord réussit à faire éternuer bêtes et gens ; puis il orna la robe de miss Rachel d’un tablier à bavette, et se mit de concert avec elle à décorer son petit salon que, faute d’un nom élégant en anglais, on nommait : « le boudoir. »

Ils commencèrent par l’intérieur des portes ; M. Franklin