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enleva tout le vernis neuf avec de la pierre ponce, et obtint une surface unie pour son travail futur. Miss Rachel alors se mit en demeure de couvrir sous sa direction l’espace libre de devises ingénieuses, griffons, oiseaux, fleurs, amours, et autres gentillesses à l’imitation d’un célèbre peintre italien, dont le nom m’échappe ; je sais seulement que c’est celui qui a rempli l’univers de Vierges Marie et dont la bonne amie était boulangère. Comme occupation, ces décorations étaient un ouvrage peu propre et n’avançaient que lentement. Mais nos jeunes gens n’en semblaient jamais fatigués ; tout le temps qu’ils ne donnaient ni à la promenade, ni aux visites, ni aux repas, ni à leurs duos de chant, ils l’employaient à abîmer cette porte, aussi appliqués à leur besogne que des abeilles dans une ruche.

Pourtant qui a donc écrit que Satan trouve encore le moyen de perdre les gens les plus occupés ? S’il avait été à ma place dans la famille et qu’il eût vu les deux cousins, qui avec sa brosse, qui avec son agent actif, il eût pensé que jamais plus grande vérité ne trouva ici à être appliquée !

La première date digne d’être notée est celle du dimanche 4 juin.

Ce soir-là, dans la salle des gens, nous débattîmes entre nous une question qui, comme, celle de la décoration du petit salon, se rattache à des faits à venir.

Remarquant le plaisir que M. Franklin et sa cousine semblaient trouver dans la société l’un de l’autre, et voyant quel joli couple ils feraient à tout égard, nous discutâmes les nombreuses chances qu’ils avaient d’être réunis pour autre chose que pour l’ornementation d’un salon.

Plusieurs d’entre nous prédirent que la maison verrait un mariage avant la fin de l’été. D’autres, dont je faisais partie, admirent qu’en effet il y avait des probabilités pour que miss Rachel fût mariée ; mais, pour des raisons que la suite vous apprendra, nous doutions que son futur fût M. Franklin Blake.

Ce qui était hors de doute, c’est que M. Franklin était pour sa part fort amoureux. La question était de découvrir les sentiments de miss Rachel ; permettez-moi de vous faire connaître ma jeune maîtresse, et puis vous verrez si vous parvenez à bien comprendre son caractère.