Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre personne. Quelle était cette personne ? Je ne pus le deviner et je ne m’en doute pas encore à l’heure qu’il est.

« Dans tous les cas, il était clair que le sergent restait à mille lieues de la vérité. Vous étiez à l’abri de ses soupçons tant que le vêtement pourrait être dissimulé, mais à cette condition seulement.

« Je renonce à vous faire comprendre la terreur et l’anxiété qui m’accablèrent. Il était impossible que je continuasse à porter votre robe de nuit ; je pouvais être envoyée à l’improviste à la prison de Frizinghall, puis y être fouillée ; pendant que j’avais encore ma liberté, il me fallait prendre un parti : détruire l’objet suspect, ou le cacher en lieu sûr à une distance suffisante de la maison…

« Si j’avais été un peu moins éprise de vous, je crois que je l’aurais détruit. Mais, hélas ! pouvais-je anéantir la seule chose qui prouvât que j’avais sauvé votre réputation ?

« Si nous arrivions à une explication ensemble et si, m’imputant quelque motif intéressé, vous niiez ma découverte, comment pourrais-je gagner votre confiance sans avoir le moyen de produire la robe de nuit ? Était-ce vous faire tort que de croire que vous hésiteriez fort à partager un pareil secret avec une pauvre servante, et à la laisser devenir votre complice dans un vol que vos embarras d’argent vous avaient poussé à commettre ? Songez à votre froideur envers moi, monsieur, et vous ne vous étonnerez plus de ma répugnance à détruire le seul objet dont la possession me constituât un titre à votre gratitude et à votre confiance.

« Je me décidai donc à chercher une cachette, et je choisis celle que je connaissais le mieux, celle des Sables-Tremblants.

« Aussitôt que l’interrogatoire fut terminé, je demandai, sous le premier prétexte venu, à aller prendre l’air ; je partis pour le cottage de Mrs Yolland. Cette femme et sa fille étaient mes meilleures amies ; pourtant ne supposez pas que je leur aie confié votre secret : il n’a jamais appartenu qu’à moi. Je voulais seulement me procurer le moyen de vous écrire cette lettre, et de retirer votre vêtement de dessus moi ; car, soupçonnée comme je l’étais, je ne pouvais faire aucune de ces deux choses à la maison.

« J’ai presque achevé ma longue lettre, que j’écris dans la