d’aller chercher un oreiller, je quitte miss Verinder. Cette fois mes douleurs ne sont pas de longue durée, et peu après je suis en état de revenir près d’elle.
Je la trouve au chevet du canapé ; elle posait ses lèvres sur le front du dormeur. Je secoue la tête d’un air aussi sérieux que possible, et je lui montre sa chaise ; elle me gratifie d’un charmant sourire, la figure colorée par l’émotion.
« Vous auriez fait de même, me dit-elle tout bas, si vous eussiez été à ma place ! »
Huit heures. — Il commence à s’étirer ; miss Verinder s’agenouille près du canapé ; elle s’est placée de façon à recevoir son premier regard, lorsque ses yeux s’ouvriront.
Dois-je les laisser seuls ?
Oui !
Onze heures. — La maison est redevenue silencieuse. Tous les arrangements sont faits entre eux ; ils sont partis pour Londres par le train de dix heures ; mon court rêve de bonheur s’est évanoui ; je renais aux réalités d’une vie solitaire et dépouillée d’affections.
J’ose à peine transcrire ici les témoignages d’amitié qui m’ont été prodigués, surtout par miss Verinder et M. Blake. Au surplus, c’est inutile ; ces souvenirs reviendront charmer mes heures d’isolement et adouciront ce qu’il me reste de jours à vivre. M. Blake doit m’instruire de ce qui se passera à Londres ; miss Verinder reviendra dans le Yorkshire à l’automne, pour son mariage, et on compte sur moi comme sur un hôte prenant chez eux ses vacances. Ah ! quelle joie j’ai éprouvée lorsque, les yeux rayonnants de bonheur et de gratitude, elle m’a pressé tendrement la main comme pour me dire : « Ceci est votre œuvre ! »
Mes pauvres malades m’attendent. Reprenons sans plus tarder notre collier de misère ! Dès ce soir, me voici forcé de choisir, hélas ! entre l’opium et la souffrance.
Dieu soit loué dans sa miséricorde ! il m’a accordé quelques rayons de soleil. J’ai passé des jours heureux !