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même, je courus m’enfermer dans ma chambre afin de reprendre du calme, avant d’aller retrouver ma tante et Rachel à la table du goûter.

Je m’arrête encore un instant sur ce qui concerne M. Godfrey ; je sais fort bien que le monde, qui ne respecte rien, l’a accusé d’avoir eu ses raisons secrètes pour rendre à Rachel sa parole dès la première occasion ; il m’est aussi revenu que ses efforts pour regagner mon estime ont été attribués au désir intéressé de faire sa paix par mon intermédiaire avec une vénérable amie de notre Comité des petits vêtements, pourvue des biens de la fortune et fort liée avec moi. Je ne relève ces odieuses calomnies que dans le but de déclarer ici que je n’y ai jamais attaché la moindre importance ; afin d’obéir à mes instructions, j’ai fidèlement transcrit d’après mon journal toutes les fluctuations qu’a subies mon opinion sur notre héros chrétien. Je me rends également la justice d’ajouter qu’une fois que mon excellent ami eut reconquis sa place dans mon estime, il ne l’a plus jamais reperdue ; j’écris les larmes aux yeux, brûlant du désir d’en dire davantage. Mais non, je dois m’en tenir à ce que j’ai vu et entendu moi-même. Moins d’un mois après les événements que je consigne ici, des catastrophes survenues dans le monde des affaires diminuèrent mon pauvre petit revenu et me forcèrent à m’exiler, ne me laissant que le souvenir le plus tendre de M. Godfrey ; la calomnie l’a attaqué, mais elle ne saurait l’atteindre.

Laissez-moi sécher mes yeux et reprendre ma narration.

Je descendis goûter, assez curieuse de voir dans quelle disposition d’esprit se trouvait Rachel, maintenant qu’elle était libre de tout engagement. Bien que je sois une médiocre autorité en ces matières, il me sembla que le premier effet de sa liberté reconquise avait été de ramener sa pensée vers cet autre homme qu’elle aimait. Je crus reconnaître aussi qu’elle était furieuse contre elle-même de ne pouvoir surmonter un sentiment dont elle rougissait dans son for intérieur. Quel était l’objet de cet amour ? J’avais mes idées à cet égard. Mais il était inutile de perdre mon temps en suppositions. Lorsque je l’aurais convertie, il s’ensuivrait qu’elle n’aurait plus de secrets pour moi ; je saurais tout ce qui concernait cet homme, toute l’histoire de la Pierre de Lune, etc. Si je