Page:Collins - Le Secret.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les yeux de mistress Treverton, au moment où elle parlait de son mari et de l’affection qu’il lui inspirait, s’étaient attendris et humectés peu à peu. Elle demeura quelques instants silencieuse. L’émotion qui la travaillait intérieurement ne s’exprimait plus que par sa respiration saccadée, pénible, haletante, et par la pénible contraction de ses noirs sourcils. Peu après, cependant, elle tourna la tête avec effort du côté du fauteuil où pleurait Sarah, et reprenant la parole, cette fois bien bas :

« Voyez… cette médecine !… il me la faut, » dit-elle.

Sarah se redressa aussitôt, cédant à l’instinct de l’obéissance immédiate, et séchant les pleurs qui coulaient le long de ses joues :

« Le docteur, dit-elle… laissez-moi prévenir le docteur.

— Non !… c’est la médecine que je veux… La médecine, cherchez !

— Lequel des deux flacons ?… L’opiat ou…

— Non… pas l’opiat !… l’autre. »

Sarah prit sur la table une fiole, et regardant avec attention les instructions écrites sur l’étiquette, dit que l’heure n’était pas encore venue où ce breuvage pouvait être administré de nouveau.

« Donnez-moi ce flacon !

— Pour Dieu, n’exigez pas cela de moi !… Attendez, je vous en supplie… Le docteur a dit que ceci, à trop forte dose, équivaut à de l’alcool. »

Les yeux gris et perçants de mistress Treverton commençaient à jeter des flammes : une teinte pourpre envahit ses joues, et sa main, soulevée à grand’peine, soulignait, pour ainsi dire, l’ordre qu’elle allait réitérer.

« Débouchez ce flacon, disait-elle, et donnez-le-moi ! J’ai besoin de forces avant tout… Que je passe dans une heure ou dans huit jours, peu importe… Donnez-moi ce flacon !

— Pas le flacon, reprit Sarah qui néanmoins cédait, sans presque en avoir conscience, à ces injonctions énergiques… Il y reste encore deux doses… Attendez, je vais apporter un verre. »

Et comme elle se détournait vers la table, mistress Treverton porta la fiole à ses lèvres, l’épuisa en quelques gorgées, puis la rejeta sur le lit, par un mouvement presque convulsif.

« Elle s’est empoisonnée ! s’écria Sarah, qui s’élançait déjà vers la porte.