Page:Collins - Le Secret.djvu/19

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— Arrêtez ! dit la voix qui partait du lit, raffermie et plus impérieuse que jamais. Arrêtez ! revenez ! Relevez-moi sur ces oreillers. »

Sarah tenait déjà le bouton de la porte :

— Ici !… reprit mistress Treverton… tant qu’il me restera un souffle de vie, j’entends qu’on m’obéisse exactement. Revenez !… » Et, tandis qu’elle parlait, ses joues reprenaient leurs vives couleurs, ses yeux, plus ouverts, leur éclat passionné.

Sarah revint sur ses pas, et de ses mains tremblantes ajouta un coussin de plus à ceux qui étayaient les épaules et la tête de la mourante. Pendant qu’elle se livrait à ce soin, les couvertures se déplacèrent un instant ; mistress Treverton, avec une sorte de frisson, se hâta de les ramener sur elle et de les rassembler autour de son cou.

« Avez-vous tiré le verrou ? demanda-t-elle ensuite.

— Non.

— Je vous défends de retourner de ce côté… Apportez ici l’écritoire, la plume et l’encre qui sont dans le cabinet, près de la croisée. »

Sarah se dirigea vers le meuble indiqué, l’ouvrit machinalement, et seulement alors, se ravisant tout à coup, comme si quelque soupçon lui eût traversé l’esprit, demanda dans quel but sa maîtresse voulait avoir de quoi écrire.

« Apportez, et vous verrez, » répondit brièvement celle-ci.

L’écritoire, sur laquelle une feuille de papier à lettres était disposée par avance, fut placée sur les genoux de mistress Treverton. La plume, trempée d’encre, fut mise entre ses doigts. La pauvre femme demeura un instant immobile, les yeux clos, et poussa un profond soupir. Elle se mit ensuite à écrire, et au moment où sa plume effleura le papier : « Regardez ! » dit-elle à sa femme de chambre.

Sarah, suivant de l’œil, par-dessus l’épaule de sa maîtresse, les mots que celle-ci traçait péniblement l’un après l’autre, lut d’abord :

À MON MARI.

« Oh non !… non… pour l’amour de Dieu, que ceci ne soit pas écrit ! » s’écria-t-elle saisissant la main de sa maîtresse ; mais un simple regard suffit pour la lui faire lâcher.

La plume reprit son œuvre, et, de plus en plus lentement, avec un effort de plus en plus visible, assembla ce qu’il fallait de mots pour remplir une ligne. À l’extrémité de cette ligne,