Page:Collins - Le Secret.djvu/339

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fort bien accueilli se fit entendre près de la porte, et l’oncle Joseph entra dans l’appartement.

L’œil observateur de Rosamond, d’autant plus au guet qu’elle avait passé par plus d’inquiétudes, découvrit, de prime abord, un changement notable dans la physionomie et l’attitude du bon vieillard. Sa figure portait l’empreinte des soucis et de la fatigue. Sa démarche, tandis qu’il avançait vers les deux époux, n’avait plus cette vivacité alerte qui la distinguait d’une façon si originale, quand, pour la première fois, mistress Frankland, l’avait vu à Porthgenna-Tower. À ses premières paroles de politesse il voulait ajouter quelques excuses pour être venu si tard ; mais Rosamond lui coupa la parole, dans son vif désir de lui poser la question qui, de toutes, lui tenait le plus au cœur.

« Nous savons déjà, lui dit-elle, que vous avez découvert son adresse ; mais c’est là tout ce que nous avons appris. Est-elle comme vous redoutiez de la trouver ?… est-elle malade ? »

Le vieillard branla tristement la tête : « Que vous disais-je en vous montrant ses lettres ? répondit-il. Elle est si mal, bonne dame, que même cet excellent message dont vous m’avez chargé pour elle, n’a pu lui faire aucun bien. »

Ces simples paroles jetèrent dans le cœur de Rosamond une étrange terreur, qui, malgré tout l’effort de sa volonté, lui imposa silence, alors qu’elle eût tout donné pour parler de nouveau. L’oncle Joseph comprit le regard inquiet qu’elle tenait arrêté sur lui, et le signe hâté par lequel elle lui montrait le fauteuil le plus voisin du sofa sur lequel les jeunes époux étaient assis. Il y prit place, et leur dit alors tout ce qu’il avait sur le cœur.

Suivant exactement le conseil donné par Rosamond, il avait, raconta-t-il, dès le lendemain de son arrivée à Londres, porté au bureau de poste une lettre adressée à S. J. Ainsi que cela était prévu, une personne exprès dépêchée, une domestique, était venue ; il l’avait vue sortir du bureau, la lettre en main. Il l’avait suivie jusqu’à la porte d’une maison meublée, sise dans le voisinage, et, après l’y avoir laissée entrer, il y avait frappé lui-même, demandant mistress Jazeph. Une femme âgée qui était venue répondre, et qui paraissait être la maîtresse du logis, avait déclaré qu’aucune de ses locataires ne lui était connue sous ce nom. Il avait alors expliqué qu’il souhaitait voir la personne à laquelle arrivaient des lettres