Page:Collins - Le Secret.djvu/77

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Miss Mowlem tremblait de la tête aux pieds sous ce regard brillant qui semblait la traverser de part en part… Elle devint très-pâle, tendit la lettre qui faisait son excuse, et, du ton le plus doux, commençait à dire qu’elle était bien fâchée…

« Fâchée ! » s’écria Rosamond, plus outrée encore de cette excuse hypocrite qu’elle ne l’avait été de l’indiscrétion de son hôtesse ; et ce redoublement de colère, elle le manifesta en frappant du pied comme la première fois. « Qui se soucie que vous soyez ou non fâchée ?… je n’ai que faire de vos doléances… Épargnez-les-moi… Je n’ai jamais été si légèrement traitée de ma vie… jamais, entendez-vous, vile petite espionne !…

— Rosamond !… Rosamond !… je vous en prie, ne vous oubliez pas, interrompit la voix calme de M. Frankland.

— Lenny, mon cher aimé, je n’y puis rien… Cette créature tournerait la tête d’un saint… Depuis que nous sommes ici, elle ne fait que nous guetter… Oui, vous nous guettez, malapprise, grossière personne que vous êtes… Je le soupçonnais déjà… maintenant j’en suis sûre… Faut-il donc fermer la porte à clef pour se garer de vous ? Nous n’en sommes pas là… Montez votre note !… Nous vous donnons congé !… M. Frankland vous donne congé… N’est-ce pas, Lenny ?… Je ferai tous vos paquets… Elle n’en touchera pas un, mon cher cœur… Descendez, mademoiselle ; faites votre note ; signifiez le congé à votre mère ! M. Frankland n’entend pas que des femmes curieuses entrent chez lui à l’improviste, et viennent écouter derrière les portes… Il ne le veut pas, ni moi non plus… Posez cette lettre sur la table… à moins qu’il ne vous plaise aussi de l’ouvrir et de la lire… Posez-la, vous dis-je, impertinente petite fille… Apportez la note, et annoncez à votre mère que nous quittons immédiatement la maison. »

À cette menace effrayante, miss Mowlem, de nature douce et timide en même temps que curieuse, se tordit les mains de désespoir, et fondit en larmes sans autre résistance.

« Ô ciel clément qui nous voyez !… s’écria-t-elle, dans une sorte de délire, adressant au plafond cette allocution déchirante… Que dira ma mère, et que vais-je devenir ? Ô mam ! j’ai cru que j’avais frappé… je l’ai cru, sans mentir… Oh ! mam, je vous demande pardon bien humblement, et je vous promets de ne plus être indiscrète… Ô mam ! ma mère est