Page:Comédie humaine - Répertoire.djvu/532

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pour ne plus le quitter, le pseudonyme de Camille Maupin, et mena une existence brillante et indépendante. Ses quatre-vingt mille livres de rente, son castel des Touches, voisin de Guérande (Loire-Inférieure), son hôtel parisien de la rue du Mont-Blanc (aujourd’hui rue de la Chaussée-d’Antin), sa naissance, ses alliances la servirent puissamment ; on jeta un voile sur ses désordres, pour ne plus voir que son génie. Mademoiselle des Touches compta, en effet, plus d’un amant : un bellâtre, vers 1817 ; puis un esprit original, un sceptique, le vrai créateur de Camille Maupin ; ensuite Gennaro Conti, qu’elle connut à Rome, en 1820, et Claude Vignon, critique réputé (Béatrix. — Illusions perdues). Félicité patronna Joseph Bridau, le peintre romantique méprisé des bourgeois (La Rabouilleuse) ; elle témoigna de la sympathie à Lucien de Rubempré, qu’elle faillit même épouser, et protégea néanmoins la maîtresse du poète, l’actrice Coralie, car, pendant leurs amours, Félicité des Touches était en faveur au Gymnase. Collaboratrice anonyme d’une comédie où parut madame Léontine Volnys (la petite Fay du temps) ; elle devait écrire un second vaudeville dont Coralie aurait créé le principal rôle. Quand la jeune pensionnaire de la direction Poirson-Cerfberr[1] s’alita et mourut, Félicité fit les frais de l’enterrement et se montra au service funèbre célébré à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. Mademoiselle des Touches donnait alors des dîners, le mercredi ; Levasseur, Conti, mesdames Pasta, Cinti, Fodor, de Bargeton, d’Espard assistaient, en outre, à ses réceptions (Illusions perdues). Quoique légitimiste, comme la marquise d’Espard, Félicité garda ouvert, après la révolution de Juillet, son salon, où se rencontrèrent sa voisine Léontine de Sérizy, lord Dudley et lady Barimore, les Nucingen, Joseph Bridau, mesdames de Cadignan, de Montcornet, le comte de Vandenesse, Daniel d’Arthez, madame de Rochegude (alias Rochefide). — Canalis, Rastignac, Laginski, Montriveau, Bianchon, Marsay, Blondet, firent, chez elle, assaut de récits piquants ou de traits acérés (Autre Étude de femme). Ailleurs, un peu plus tard, mademoiselle des Touches donnait des conseils à Marie de Vandenesse et blâmait l’amour hors du mariage

  1. Le vaudevilliste Delestre-Poirson fonda, avec A. Cerfberr, le Gymnase-Dramatique, le 20 décembre 1820 ; comme les frères Cerfberr, Delestre-Poirson en conserva l’administration jusqu’en 1844.