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PERDU DANS LA FORÊT

serais resté à passer la nuit auprès de mon feu et j’aurais probablement fait cuire une de mes perdrix pour m’en nourrir, avant d’essayer de retrouver mon chemin hors du bois.

Durant les quelques premières années que je passai l’hiver sur la côte, j’achetais d’ordinaire des fourrures à commission pour le poste de la Compagnie de la baie d’Hudson à Bersimis, dont Monsieur W. S. Church avait charge alors. Ayant à régler quelques affaires avec lui, comme il n’y avait pas de service régulier des postes, je décidai d’aller le voir. Je n’avais pas encore fait ce trajet, et, malgré que je fusse parfaitement sûr de trouver mon chemin, je pensai qu’il vaudrait mieux prendre un bon guide, d’autant plus que j’avais à emporter avec moi un ballot de fourrures de valeur, qui, avec l’équipement obligé et le sac aux provisions, eut été un peu trop lourd pour un seul homme. J’engageai pour cela un Indien du nom de Ploute. C’était un homme d’âge moyen, un fort marcheur à la raquette ; il était de plus parfaitement familier avec la région que nous allions traverser.

La distance par terre entre Godbout et Bersimis est d’environ soixante-quinze milles, dont une cinquantaine de milles à travers la forêt, vu qu’il est impossible de suivre la ligne de la côte, à cause de la nature rocheuse et montagneuse du pays.

Nous partîmes d’ici, Godbout, vers la fin de janvier. Nos ballots pesaient chacun environ vingt-cinq livres. Ils se composaient en partie de fourrures et de provisions ; nous avions aussi deux paires de bas, une paire de mocassins de rechange, une bouilloire de ferblanc d’une pinte, et chacun une hache. Nous n’emportions ni tente, ni couvertures, non plus qu’aucun vêtement de rechange. Comme il ne s’agissait pas d’une excursion de chasse, nous ne prîmes pas de fusil, mais