œil. C’était probablement le renard qui avait occupé l’attention du canard, mais nous ne l’avions pas vu.
La Pointe-des-Monts, dans le golfe Saint-Laurent, est un endroit fort recherché pour la chasse au loup-marin. La saison s’ouvre vers le 10 décembre et se termine en avril lorsque la glace disparaît. Pendant bien des années je consacrai beaucoup de temps à ce genre de sport, on ne peut plus intéressant et bien rémunérateur. Un jour, tard en mars, j’étais allé à la chasse, comme d’habitude. La journée était très belle, mais le loup-marin était rare, et le peu que nous avions vu se montrait farouche. Tous les chasseurs de loups-marins, dans ce temps-là, se servaient de fusils à plomb chargés de triple (treble) plomb A ou SSG.
J’étais le seul dans l’endroit qui eût une carabine, une Ballard du Kentucky, calibre 46, à cartouches à canon rayé, et à la mire s’ajustant à 500 verges. La cartouche était courte, munie d’une balle assez lourde, qui, très précise à courte distance, décrivait une très haute trajectoire à longue distance ; ce qui rendait extrêmement difficile toute tentative d’atteindre un objet de petites dimensions, si l’on faisait erreur dans l’estimation de la distance. Nous venions justement de décider de retourner à terre, lorsque M. F. Poulin, à la chasse lui aussi, vint nous trouver pour savoir si nous avions de la veine. Pendant que nous étions à causer, ne voilà-t-il pas qu’un loup-marin apparut prenant ses ébats à environ 600 verges de nous.
— « Regardez-moi ce coquin-là, fit Poulin. Envoyez-lui donc une balle pour lui faire montrer ses nageoires ».
Je lui fis remarquer que la distance était trop grande pour qu’une balle pût se rendre jusque-là, mais qu’il l’entendrait tout de même siffler. Sans m’occuper