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Page:Compte rendu des travaux du congrès de la propriété littéraire et artistique, II.djvu/179

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celle des priviléges ou plutôt que celle-ci avait absorbée et empêché de se faire jour distinctement, vint à en être séparée pour la première fois, de manière à frapper nettement les esprits, à l’occasion de réclamations élevées, en 1725, par les libraires des provinces contre les libraires de Paris. Les premiers se plaignaient que leurs confrères de la capitale les privassent de toute faculté de fabrication, en refusant de les admettre aux ventes de priviléges de part et de priviléges qui avaient lieu à la chambre syndicale. Dans le mémoire qu’il rédigea pour les libraires de Paris. Louis d’Héricourt soutint « que ce ne sont point les priviléges que le Roi accorde aux libraires qui les rendent propriétaires des ouvrages qu’ils impriment, mais uniquement l’acquisition du manuscrit, dont l’auteur leur transmet la propriété au moyen du prix qu’il en reçoit » Selon d’Héricourt, l’un manuscrit est, en la personne de l’auteur, un bien qui lui est tellement propre qu’il n’est pas plus permis de l’en dépouiller que de son argent, de ses meubles, ou même d’une terre, parce que c’est le fruit de son travail qui lui est personnel… » « Si un auteur, » poursuivait d’Héricourt, « est constamment propriétaire et par conséquent seul maitre de son ouvrage, il n’y a que lui ou ceux qu’il représente qui puissent valablement le faire passer à un autre et lui donner dessus les mêmes droits que l’auteur y avait. » D’Héricourt conclut « qu’un libraire qui a acquis un manuscrit et obtenu un privilége pour l’imprimer doit demeurer perpétuellement propriétaire du texte de cet ouvrage, lui et ses descendants, comme d’une terre ou d’une maison qu’il aurait acquise, parce que l’acquisition d’un héritage ne diffère en rien, par la nature de l’acquisition, de celle d’un manuscrit. »

Les droits des auteurs étaient ainsi formellement proclamés. Le droit de propriété littéraire avec ses conséquences fut revendiqué, avec non moins de force, par Diderot, dans une réclamation faite au nom de la communauté des libraires de Paris, contre une concession, accordée aux petites-filles de la Fontaine, du privilége des œuvres de leur aïeul, quoique la Fontaine de son vivant eut vendu ces œuvres au libraire Barbin, lequel lui-même les avait cédées à d’autres après une longue jouissance. Toutefois Diderot, en déclarant que la propriété complète, entière, absolue des ouvrages nouveaux ne pouvait être contestée à l’auteur et à ses ayants droit ou cessionnaires, regardait cependant comme fort justes les priviléges accordes aux premiers éditeurs de manuscrits anciens et appartenant au domaine commun. Diderot allait jusqu’à approuver les prorogations de ces priviléges même à perpétuité.

Parmi les arrêts qui datent de cette époque, il faut citer celui du 10 mars 1777, rendu au profit de la famille de Fénélon, par lequel arrêt le Conseil jugea que les continuations de privilége ne pouvaient être accordées à des libraires qu’avec l’agrément des héritiers de l’auteur.

De nouveaux règlements furent donnés à l’imprimerie et à la librairie par six arrêts du Conseil du 10 août 1777.