Page:Conan - Silhouettes canadiennes, 1917.djvu/25

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Mais si cette beauté était incomparable, l’établissement était très humble, et, en débarquant sur la Pointe, Hébert n’aperçut que l’Habitation[1] et quelques cabanes sauvages. Ailleurs le cap penchait jusqu’à la grève ses bois charmants et le feuillage voilait la petite chapelle[2] bâtie au bord de l’eau, dans un enfoncement.

Malgré la sécurité, la facilité relative des communications et tant d’autres avantages, la tâche du défricheur reste fort dure. Pour s’enfoncer dans la forêt, pour y faire jaillir le pain de la terre, il faut un véritable courage. S’il en est encore ainsi aujourd’hui, qu’était-ce donc alors, quand la Nouvelle-France comptait environ cinquante âmes et n’était qu’une forêt sans bornes habitée par des peuplades féroces ? Et quelle trempe devait avoir notre premier colon pour tout sacrifier à la Nouvelle-France naissante, pour en faire sa patrie d’adoption !

Comme Champlain, Hébert comprenait qu’aussitôt l’Ha-

  1. « L’Habitation » consistait en trois corps de logis, à double étage, attenant les uns aux autres. Au-dessus du premier étage régnait une galerie qui se prolongeait autour d’un préau entouré d’un solide enclos percé de meurtrières. Une tourelle carrée ou campanile, destinée probablement à servir d’observatoire, se dressait au milieu de cette place. Toute « l’Habitation » était environnée d’un fossé et d’un mur d’enceinte, flanqué de plates-formes armées de trois ou quatre canons. — L’abbé Casgrain.
  2. Cette chapelle, mère des innombrables églises du Canada, était en bois brut et avait été construite en moins d’un mois, deux ans auparavant.