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silhouettes canadiennes

à l’apostolat. Le souvenir de ses parents lui revenait souvent ; elle savait ce qu’ils avaient souffert de la séparation, et pour consoler ces cœurs dont elle connaissait la générosité, elle disait à ses sœurs :


« Écrivez-leur que je meurs heureuse… heureuse d’avoir abandonné le monde pour me faire religieuse… heureuse de les avoir quittés pour venir au Canada et d’avoir résisté à toutes leurs sollicitations pour me rappeler en France. Je vous en prie, faites-le leur savoir », ajoutait-elle avec une tendre insistance.

L’hydropisie s’était ajoutée à tous ses maux. Pour combattre la suffocation, les médecins lui firent aux jambes des incisions si profondes qu’on voyait jusqu’à la membrane de l’os. La corruption s’y mit aussitôt, lui causant d’atroces douleurs. Cela arriva pendant la semaine sainte, et « l’on crut, dit Marie de l’Incarnation, que Notre-Seigneur n’avait permis ces grandes plaies que pour faire compagnie à celles qu’il reçut sur la croix.  »


Ce doux Sauveur se relâcha enfin de ses rigueurs mystérieuses. Trois jours avant la mort de la Mère Saint-Joseph, il remplit son âme de tant de lumière, de tant de douceurs qu’il lui semblait être en paradis. C’est dans l’octave de Pâques, le soir du 4 avril 1652, qu’elle sortit de ce monde. Elle avait trente-six ans.[1]

  1. Le corps déposé dans un double cercueil fut inhumé dans le jardin, faute de lieu convenable. Dix ans plus tard, on le leva de terre pour le mettre dans le caveau, sous le chœur. Le second cercueil qui était de cèdre se trouva intact, mais, dit Marie de l’Incarnation, on eut la curiosité ou plutôt la dévotion de l’ouvrir, afin de voir dans quel état était le corps. Le cœur et le cerveau étaient parfaitement conservés, la chair