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j’avais apporté avec moi. Cet ordre me bouleversa. Depuis la mort de Thérèse, j’avais toujours porté sur moi son crucifix, et son portrait qu’elle m’avait donné le jour de nos fiançailles, avec une boucle de ses cheveux. Me séparer de ces souvenirs si chers me paraissait un sacrifice au-dessus de mes forces. Eh quoi ! me disais-je, je me séparerais de tout ce qui me reste d’elle ! de son portrait, de ses cheveux, du crucifix qu’elle a porté si longtemps, qu’elle tenait entre ses mains à son heure dernière ! devant lequel elle a offert pour mon salut son bonheur et sa vie ! Je passai la nuit dans une agitation cruelle. Enfin, ce matin, profondément malheureux, j’allai à la chambre du Père supérieur. Mon trouble n’échappa point à son regard pénétrant ; car, après m’avoir offert un siège, il me demanda ce qui m’affligeait et m’engagea à lui parler « comme un enfant parle à son père. » J’étais grandement embarrassé, mais je le regardai et ma timidité faisant place à la confiance et au plus profond respect, je m’agenouillai devant lui et lui dis tout. Je lui dis comme ses paroles de la veille m’avaient fait souffrir, pourquoi ma fiancée avait offert sa vie à Dieu ; je lui racontai sa mort, ma conversion, et demandai la permission garder ce qui me restait d’elle : son crucifix, son portrait et ses cheveux.

Le bon Père s’attendrit visiblement en m’écoutant, et me dit après quelques instants de silence :

— Mon fils, gardez toujours au fond de votre