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Quand M. Olier et M. de la Dauversière formèrent à Paris la Compagnie de Notre-Dame de Montréal, Marguerite Bourgeoys venait d’avoir vingt ans. Cette jeune fille, destinée à figurer dans l’élite de l’héroïque phalange, ne tarda pas à être préparée à son extraordinaire vocation, et la lumière lui vint de la Vierge, le premier dimanche d’octobre 1640.

Il y avait, ce jour-là, chez les Dominicains de Troyes, fête du Rosaire avec procession solennelle, et Marguerite s’y était jointe. Comme la procession défilait, devant l’abbaye des Nonnains, elle leva les yeux vers une statue de Marie, qui ornait le portail, et la statue, qu’elle avait considérée bien des fois, lui parut d’une beauté ravissante, toute céleste.

En même temps, une lumière surnaturelle inonda son âme de vingt ans. Elle vit le néant de tout ce qui passe ; elle comprit que la sainteté est la grande joie de la vie, la seule joie de la mort, et comme une flamme du ciel l’amour divin pénétra son cœur et l’embrasa.

Ce fut pour Marguerite l’heure décisive, l’heure sacrée, l’adieu irrévocable à toutes les joies de la terre : « Je me trouvai si touchée et si changée, dit-elle dans ses Mémoires, que je ne me reconnaissais plus… Dès ce moment, je quittai tous mes petits amusements, et me retirai d’avec le monde pour me donner au service de Dieu. »

Fort jolie, elle avait aimé les toilettes fraîches, élégantes ; mais à partir de ce jour, elle ne voulut plus porter et ne porta plus, dans la suite, que des habits très simples, de couleur brune ou noire, sans ornements superflus.

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Son premier soin fut de faire une confession extraordinaire. Avec la plus véhémente contrition, elle accusa