Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 1.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

erreur qui a eu de grandes suites : ils ont réalisé toutes leurs abstractions, ou les ont regardées comme des êtres qui ont une existence réelle, indépendamment de celle des choses[1]. Voici, je pense, ce qui a donné lieu à une opinion aussi absurde.

§. 6. Toutes nos premières idées

  1. Au commencement du douzième siècle les péripatéticiens formèrent deux branches, celle des nominaux & celle des réalistes. Ceux-ci soutenoient que les notions générales que l’école appelle nature universelle, relations, formalités, & autres, sont des réalités distinctes des choses. Ceux-là au contraire pensoient qu’elles ne sont que des noms par où on exprime différentes manières de concevoir, & ils s’appuyoient sur ce principe, que La nature ne fait rien en vain. C’étoit soutenir une bonne thèse, par une assez mauvaise raison ; car c’étoit convenir que ces réalités, étoient possibles, & que, pour les faire exister, il ne falloit que leur trouver quelque utilité. Cependant ce principe étoit appellé le rasoir des nominaux. La dispute entre ces deux sectes fut si vive qu’on en vint aux mains en Allemagne, & qu’en France Louis XI fut obligé de défendre la lecture des livres des nominaux.