Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 1.djvu/37

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§. 7. Je ne sçais pas comment Locke[1] a pu avancer qu’il nous sera peut-être éternellement impossible de connoître si Dieu n’a point donné à quelque amas de matière, disposée d’une certaine façon, la puissance de penser. Il ne faut pas s’imaginer que, pour résoudre cette question, il faille connoître l’essence & la nature de la matière. Les raisonnemens qu’on fonde sur cette ignorance sont tout-à-fait frivoles. Il suffit de remarquer que le sujet de la pensée doit être un. Or un amas de matière n’est pas un ; c’est une multitude[2].

  1. L. IV, c. 3.
  2. La propriété de marquer le temps, m’a-t-on objecté, est indivisible. On ne peut pas dire qu’elle se partage entre les roues d’une montre : elle est dans le tout. Pourquoi donc la propriété de penser ne pourroit-elle pas se trouver dans un tout organisé ? Je réponds que la propriété de marquer le temps peut, par sa nature, appartenir à un sujet composé ; parce que, le temps n’étant qu’une succession, tout ce qui est capable de mouvement peut le mesurer. On m’a encore objecté que l’unité