Aller au contenu

Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 1.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

arrive que, quand ils viennent à changer, nous voyons les objets tout différemment, & nous en portons des jugemens tout-à-fait contraires. On est, communément, si fort la dupe de ces sortes de jugemens, que celui qui, dans un temps, voit & juge d’une manière, &, dans un autre, voit & juge tout autrement, croit toujours bien voir & bien juger : penchant qui nous devient si naturel, que, nous faisant toujours considérer les objets par les rapports qu’ils ont à nous, nous ne manquons pas de critiquer la conduite des autres autant que nous approuvons la nôtre. Joignez à cela que l’amour-propre nous persuade aisément que les choses ne sont louables qu’autant qu’elles ont attiré notre attention, avec quelque satisfaction de notre part ; & vous comprendrez pourquoi ceux même qui ont assez de discernement pour les apprécier dispensent d’ordinaire si mal leur estime, que tantôt ils la refusent injustement, & tantôt ils la prodiguent.