§. 24. On peut observer différens progrès dans l’imagination.
Si nous voulons réveiller une perception qui nous est peu familière, telle que le goût d’un fruit dont nous n’avons mangé qu’une fois ; nos efforts n’aboutiront ordinairement qu’à causer quelque ébranlement dans les fibres du cerveau & de la bouche, & la perception que nous éprouverons ne ressemblera point au goût de ce fruit. Elle seroit la même pour un melon, pour une pêche, ou même pour un fruit dont nous n’aurions jamais goûté. On en peut remarquer autant par rapport aux autres sens.
Quand une perception est familière, les fibres du cerveau, accoutumées à fléchir sous l’action des objets, obéissent plus facilement à nos efforts. Quelquefois même nos idées se retracent sans que nous y ayons part, & se présentent avec tant de vivacité que nous y sommes trompés, & que nous croyons avoir les objets sous les yeux. C’est ce qui arrive aux fous & à tous les hommes, quand ils ont des songes. Ces désordres