Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/13

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comment cette nation naissante s’est fait une langue.

    Richard Simon, Prêtre de l’Oratoire, ont travaillé l’un & l’autre à rétablir : mais ils n’auroient pu être mieux informés : car rien n’est plus évident par l’Écriture Sainte, que le langage a eu une origine différente. Elle nous apprend que Dieu enseigna la Religion au premier Homme, ce qui ne permet pas de douter qu’il ne lui ait en même-tems enseigné à parler. (En effet la connoissance de la Religion suppose beaucoup d’idées, & un grand exercice des opérations de l’Ame, ce qui n’a pu avoir lieu que par le secours des signes : je l’ai démontré dans la première Partie de cet Ouvrage)… Quoique, ajoute plus bas M. Warburthon, Dieu ait enseigné le langage aux hommes ; cependant il ne seroit pas raisonnable de supposer que ce langage se soit étendu au-delà des nécessités alors actuelles de l’Homme, & qu’il n’ait pas eu par lui-même la capacité de le perfectionner & de l’enrichir. Ainsi le premier langage a nécessairement été stérile & borné. » Tout cela me paroît fort exact. Si je suppose deux enfans dans la nécessité d’imaginer jusqu’aux premiers signes du langage, c’est parce que j’ai cru qu’il ne suffisoit pas pour un Philosophe de dire qu’une chose a été faite par des voyes extraordinaires, mais qu’il étoit de son devoir d’expliquer comment elle auroit pu se faire par des moyens naturels.