Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/17

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§. 3. Cependant les mêmes circonstances ne purent se répéter souvent, qu’ils ne s’accoutumassent enfin à attacher aux cris des passions, & aux différentes actions du corps, des perceptions qui y étoient exprimées d’une manière si sensible. Plus ils se familiarisèrent avec ces signes, plus ils furent en état de se les rappeller à leur gré. Leur mémoire commença à avoir quelque exercice ; ils purent disposer eux-mêmes de leur imagination, & ils parvinrent insensiblement à faire avec réflexion ce qu’ils n’avoient fait que par instinct[1]. D’abord tous deux se firent une habitude de connoître, à ces signes, les sentimens que l’autre éprouvoit dans le moment ; ensuite ils s’en servirent pour se communiquer les sentimens qu’ils avoient éprouvés. Celui, par exemple, qui voyoit un lieu où il avoit été effrayé, imitoit

  1. Cela répond à la difficulté que je me suis faite dans la première Partie de cet Ouvrage. Sect. 2. ch. 5. p. 82.