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CORRESPONDANCE

Le parlement va donc faire des remontrances en faveur des corvées et des maîtrises, dont en 1581 il refusa l’établissement pendant deux ans. Il est moins avancé vers la raison qu’il ne l’était il y a deux siècles. Remarquez que dans le seizième siècle, Montagne, la Boétie, Hubert Languet, Bodin, Viète, et tant d’autres étaient magistrats ; que dans le suivant, vers le commencement, Frénicle, Fermat, de Thou, la Mothe le Vayer, l'étaient également. Depuis, la robe n’a produit qu’un seul homme d’un véritable mérite, Montesquieu, dont l’esprit de cet état a gâté l’ouvrage. La magistrature, composée autrefois de l’élite des esprits, n’en a plus que la lie. On ne reste dans le parlement que lorsqu’on est incapable de rien faire de raisonnable. Montesquieu lui-même quitta son corps dès l’instant où il se sentit du talent. Ne soyons donc pas surpris du mépris que les corps de magistratures méritent et qu’ils ne sont pas loin d’obtenir.

Il y aura un lit de justice la semaine prochaine, à ce qu’on prétend. Celui que vous nommez Rosni [1], et qui vaut bien mieux que Rosni, est inaltérable. Le roi a dit en apprenant les remontrances : Je vois bien qu’il n’y a que M. Turgot et moi qui aimions le peuple. Ce discours est très-vrai. Ne craignez rien pour le salut de la France attaché à cette affaire. J’oserai dire : pour le salut du genre humain. Si M. Turgot succombe jamais à la rage des trois canailles [2], qui n’en font qu’une, il restera dans la tète des hommes

  1. Turgot.
  2. Voyez ci-dessus la lettre n° 48.