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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


trouve chez lui une chose bien rare : c’est qu’il a toujours raison, c’est qu’il a un goût sûr. Et pourquoi se connaît-il si bien en vers ? c’est qu’il en a fait d’excellents.

Les gens instruits et disant leur avis pleuvent de tous côtés ; mais où trouver des hommes de génie qui veuillent bien se consacrer au triste et dangereux métier d’apprécier le génie des autres ? L’abbé Desfontaines n’était pas sans esprit et sans érudition ; mais il avait malheureusement traduit les Psaumes en vers français. La destinée de cet ouvrage entièrement ignoré [1] altéra son humeur et son goût, qui devinrent aussi dépravés que ses mœurs. L’auteur de Mélanie n’est pas dans ce cas. Si Racine a laissé quelques héritiers de son style, il m’a paru qu’il avait partagé sa succession entre M. de La Harpe et M. de Champfort.

Je n’ai point vu le Moustapha [2] de ce dernier, et je suis fâché qu’on s’appelle Moustapha ; mais je me souviens d’une Jeune Indienne qui était une bien jolie petite créature, et qui me parut toute racinienne : car, voyez-vous, sans Racine point de salut. Il fut le premier, et longtemps le seul, qui alla au cœur par l’oreille.

Componit furtim subsequiturque decor[3].

À propos, il faut que vous jugiez, entre le duc de

  1. « Voyez la note, t. XXXVII, des œuvres de Voltaire. » p. 558. B.
  2. Voyez lettre 7229. B.
  3. Tibulle, livre IV, élégie XI, vers 8. B,