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ENTRE TURGOT ET CONDORCET.


être fort exact, et je ne traduis que parce que je sais que ma traduction ne sera vue que d’une femme qui ne sait pas le latin. Le mot propre me paraît souvent aussi difficile à trouver qu’une équation à résoudre : je me contente d’un équivalent ; et au lieu d’examiner s’il est exact, j’essaye seulement s’il ne fait pas la même impression ; et s’il se trouve un endroit que je n’entende pas, je le passe.

L’affaire de M. Suard est une énigme pour moi comme pour vous ; nous n’entendons rien aux intrigues, ni aux manœuvres des commis et des écrivailleurs. Tout ce que j’entrevois, c’est que la pension sera de deux mille cinq cents francs au plus, qu’elle ne sera pas réversible sur la tête de madame Suard. Cette dernière clause est plus fâcheuse que la première. La pauvreté est peu de chose pour des gens aussi vertueux ; mais il serait affreux que M. Suard vécut entre la crainte de laisser sa femme sans ressource et un travail forcé. Il est paresseux, et la nécessité de faire quelque chose lorsqu’il n’est pas entraîné par son goût, est un malheur pour lui. Sa femme le sait, et l’idée d’être cause que son mari souffre, en sera un bien plus grand pour elle. S’il fallait que madame Suard travaillât pour son mari, je ne serais embarrassé de rien.

Tâchez de vous rendre inutile en Limousin [1], et venez-nous consoler de votre absence.

  1. Turgot était intendant du Limousin. Condorcet fait allusion au mot de Fontenelle au cardinal Dubois, ancien gouverneur du Régent : « Monseigneur, vous avez travaillé dix ans à vous ren-