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LETTRE


les sciences ensemble. Ne pourrait-on pas vous dire à vous, Messieurs, et aux philosophes qui s’occupent comme vous de la période musicale : Relinquite istum ludurn litterarium philosophorum, qui rem magnificenlissimam ad syllabas vocant, qui animum, minuta docendo, demittunt et conterunt (Sen. Epist. 71). Lisez le programme de la société de Harlem ; elle demande qu’on lui indique les moyens d’augmenter les lumières, d’épurer les mœurs dans la classe des hommes condamnés à gagner leur subsistance par un travail journalier. Ce sont des objets de ce genre qui devraient vous occuper. Votre correspondant, M. Propatria, nous annonce qu’il se propose de dire des vérités utiles sans blesser personne, mais qu’il commencera par nous parler des établissements de Paris. Cela ressemble un peu trop à l’éducation du marquis de la Jeannotière, où, après avoir examiné le fort et le faible de toutes les sciences, on décide que M. le marquis apprendra à danser.

Vous parlez presque toutes les semaines du bien qui a résulté de la liberté rendue à l’art de la peinture. C’est toujours beaucoup que d’avoir détruit un établissement absurde. Mais je lis dans les constitutions américaines que ces braves et généreux colons ont défendu l’importation des nègres. Songez donc, Messieurs, qu’il n’y a plus que vingt-trois ans d’ici à la fin du dix-huitième siècle, et que si, avant ce temps, l’esclavage des nègres n’est pas aboli, la postérité n’appellera point notre siècle le siècle de la raison et de l’humanité, mais celui des raisonnements et dos phrases, J’en serai bien fâché. Il y a