longtemps que je n’ai plus d’amour-propre pour
moi ; mais j’en ai encore pour mon siècle et pour
mon pays.
Je ne puis souffrir qu’on s’amuse à calomnier ceux qui leur font honneur, et j’ai vu avec peine, dans votre numéro 150, l’anecdote qui termine la lettre sur les crétins. Cette anecdote, qui est absolument fausse, n’est rien moins que nouvelle ; mais l’auteur de la lettre 150 l’a défigurée. Il a mis les seigneurs qui suivirent saint Louis à la place des croisés qui prirent Constantinople, et un bal donné aux belles Syriennes, au lieu d’une partie de débauche, faite dans l’église de Sainte-Sophie. En effet, il n’est pas question, dans l'Essai sur l’histoire générale, du bal donné en Syrie par les courtisans de saint Louis. Il n’eût donc fallu que consulter cet ouvrage pour reconnaître la fausseté de l’anecdote, puisqu’on y trouve des détails sur le sac de Constantinople, et pour s’assurer que ces détails sont rapportés par l’historien grec Nicétas, cité dans l'Essai sur l’histoire générale. M. de Voltaire lésa même beaucoup adoucis, et l’abbé de Fleuri, cet écrivain si impartial et si exact, n’a pas craint de les copier presque en entier, quoique tirées d’un écrivain suspect, parce que le récit de Nicétas est confirmé par une lettre que le pape Innocent a écrite au marquis de Monlferrat, un des généraux des croisés, et où il leur reproche les mêmes abominations. Il fallait ouvrir trois ou quatre volumes ; mais, comme vous voyez, l’anecdote est toujours fausse, même en rétablissant sa véritable leçon. J’ai vérifié un grand nombre d'im-