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DISCOURS


qu’elle a, pour ainsi dire, cessé d’être nécessaire. L’amour de l’étude, le sentiment de l’utilité et de la dignité des sciences est trop général, pour qu’elles aient désormais besoin de secours étrangers ; et l’on peut dire que le plus grand bienfait des princes à leur égard, a été de les rendre indépendantes de leur puissance.

Mais, parmi les travaux nécessaires au progrès des sciences, il en est qui exigent, ou le concours de plusieurs générations, ou le concert de plusieurs peuples. Si ceux qui se livrent à ces travaux pouvaient être témoins en partie de l’utilité qui doit résulter de leurs efforts ; s’ils pouvaient espérer pour récompense, ou le plaisir de connaître des vérités nouvelles, ou la gloire de les avoir découvertes ; si le succès de ces travaux n’exigeait point dans les observations un concert que la diversité des vues, ou peut-être l’amour-propre rendent si difficile, on pourrait tout attendre de l’activité et de la puissance du génie. Tant que le désir du bien des hommes, l’amour de la gloire et le plaisir de saisir une vérité, peuvent être le prix du travail, les sciences n’ont à demander aux princes que la paix et la liberté. Mais pourrait-on espérer des savants, même les plus modestes, que, sans aucune autre récompense que cette froide estime qu’on accorde au travail, à l’exactitude ou au zèle, ils se dévoueront à préparer la gloire de leurs successeurs, à recueillir des matériaux pour la découverte de vérités qu’ils ne doivent jamais entendre, et dont l’utilité est réservée pour des générations qu’ils ne doivent jamais voir ? La vérité de ces ré-