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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/640

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DISCOURS

Ainsi, cette fausse politique qui fondait la prospérité d’un peuple sur les malheurs ou l’ignorance des nations étrangères, a dû disparaître avec la fausse philosophie qui voulait trouver dans les erreurs populaires la source de notre bonheur et de nos vertus. Une philosophie plus vraie, plus noble, plus conforme à la nature, s’est élevée sur les ruines de ces vaines opinions que le mépris pour l’espèce humaine avait enfantées, et qui ont flatté trop longtemps l’ignorance et la corruption des hommes puissants. Une lumière nouvelle s’est répandue ; et, tandis que ceux qu’elle éblouit ne se lassent point d’en prédire les funestes effets, déjà des rives de la Delaware aux bords du Danube, vingt peuples applaudissent au bien qu’elle a fait.

Mais puis-je m’arrêter à vous parler des progrès de la raison, lorsque tout me rappelle que nous avons à gémir sur les pertes qu’elle a éprouvées ?

Le grand homme que vous remplacez, et à qui votre amitié juste et courageuse vient de rendre un si noble hommage, fut un des plus dignes appuis de la raison par son génie, par son caractère et par ses vertus.

Au sortir de l’enfance, entraîné vers la vérité par un instinct irrésistible, il se dévoua tout entier à ces sciences où elle règne sans partage, et bientôt il en eut reculé les limites. Si je me bornais à vous citer les problèmes importants qu’il a résolus, les questions épineuses et difficiles qu’il a éclaircies, les méthodes qu’il a inventées ou perfectionnées, les vérités dont il a enrichi le calcul intégral, l'instru-