Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/740

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BRÛLER LES LIVRES.

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Le parlement était dans l’usage en France de faire brûler les livres impies, hérétiques, contraires à l’autorité des rois, aux droits particuliers des rois de France ; et dans ces derniers temps, ils avaient étendu cette flétrissure jusqu’aux ouvrages où l’on ne respectait pas leurs propres prétentions. Cette peine, qui retomberait sur l’auteur, si elle n’avait été portée le plus souvent contre des livres utiles et des écrivains respectables, n’a été prononcée par aucune loi. C’est une digne invention de Tibère, qui, le premier, l’employa contre un ouvrage de Cremulius Cordus, où Brutus et Cassius étaient appelés les derniers des Romains. Domitien suivit cet exemple contre des livres où l’on avait loué deux sénateurs philosophes mis à mort par Néron.


« Scilicet illo igne vocein populi Romani, et libertatem senatus et conscientiam generis humani aboleri arbitrabantur, et pulsis insuper sapientiæ professoribus atque omini bona arte in exilium acta ne quid usquam honestum occurreret. » (Tacite.)


« Apparemment ils croyaient la voix du peuple romain, la liberté du sénat et la conscience du genre humain anéanties dans le même bûcher, et qu’en chassant de plus les professeurs de philosophie, en exilant toute espèce d’art libéral, on ne rencontrerait plus nulle part rien d’honnête. »


Cette réflexion est de Tacite, et nous n’en opposerons point d’autres aux imitateurs de Tibère et de Domitien.

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