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CONSEILS DE CONDORCET

Les mauvaises actions sont moins fatales par elles-mêmes au bonheur et à la vertu, que par les vices dont elles font contracter l’habitude aux âmes faibles et corrompues. Les remords, dans une âme forte, franche et sensible, inspirent les bonnes actions, les habitudes vertueuses, qui doivent en adoucir l’amertume. Alors ils ne se réveillent qu’entourés des consolations qui en émoussent la pointe, et l’on jouit de son repentir comme de ses vertus.

Sans doute les plaisirs d’une âme régénérée sont moins purs, sont moins doux que ceux de l’innocence ; mais c’est alors le seul bonheur que nous puissions encore trouver dans notre conscience, et presque le seul auquel la faiblesse de notre nature et surtout les vices de nos institutions nous permettent d’atteindre.


Hélas ! tous les humains ont besoin de clémence !


V.


Si tu veux que la société répande sur ton âme plus de plaisirs ou de consolations que de chagrins ou d’amertumes, sois indulgente, et préserve-toi de la personnalité comme d’un poison qui en corrompt toutes les douceurs.

L’indulgence n’est pas cette facilité qui, née de l’indifférence ou de l’étourderie, ne pardonne tout que parce qu’elle n’aperçoit ou ne sent rien. J’entends cette indulgence fondée sur la justice, sur la raison, sur la connaissance de sa propre faiblesse,