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à l’assemblée nationale, etc.

éviter ces inconvénients, il faudrait faire une loi constitutionnelle toutes les fois qu’on ferait une opération de finance.

Vous regardez vos décrets comme ne pouvant être révoqués par vous-mêmes ; et, sans doute, tout décret doit être irrévocable, sans quoi toutes les affaires flotteraient dans une incertitude effrayante. Tout décret dont l’exécution est commencée, est encore plus sacré, et un changement deviendrait alors une injustice. Tout principe constitutionnel décrété est irrévocable ; car autrement la constitution serait livrée sans cesse aux mouvements des opinions diverses qui pourraient triompher tour à tour ; mais cette irrévocabiiité doit-elle s’étendre à tous les articles d’un système de constitution, lorsque ces articles, liés entre eux par leur objet, ont été successivement décrétés, lorsque par conséquent chacun d’eux l’a été avant de savoir quel serait sur les autres le vœu de l’assemblée ? En effet, n’est-il pas possible alors qu’un grand nombre de membres aient voté pour un article parce qu’ils le jugeaient utile, dans l’incertitude si un autre serait adopté ; et ces mêmes députés ne peuvent-ils pas ensuite le regarder comme inutile, après l’adoption des articles qui vont au même but d’une manière plus juste ou plus directe ? L’utilité leur avait paru l’emporter sur les inconvénients ; elle cesse : les inconvénients restent seuls ; et continuer de voter pour l’article, serait alors changer d’opinion, et non conserver la sienne. L’irrévocabilité suppose nécessairement qu’une assemblée, composée des mêmes personnes, ne puisse adopter un avis