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sur le préjugé, etc.

dans tout l’empire les pouvoirs exercés au nom de la nation entière. Ils y existeraient toujours d’une manière incommode et précaire, et ce ne serait qu’avec des dépenses énormes qu’on pourrait transporter, avec les législateurs et les ministres, la foule des hommes qu’ils emploient. D’ailleurs, chaque ville voudrait profiter du moment où elle jouerait le rôle passager de capitale, pour obtenir qu’on fît des dépenses destinées à son utilité particulière, des lois de commerce ou d’administration favorables à ses intérêts ; et elle solliciterait avec d’autant plus d’ardeur, que le temps où elle pourrait espérer d’obtenir serait plus court. Ces complaisances pour la ville d’une résidence passagère deviendraient une politesse d’usage, et, à une justice toujours égale entre toutes les parties de l’État, on substituerait des faveurs successives, et distribuées avec inégalité. Rien ne serait plus propre à détruire l’esprit national pour en créer un de canton ou de province ; rien ne serait plus nuisible au progrès des lumières qui ne pourraient plus avoir un foyer commun, qui sans cesse auraient à combattre des préjugés locaux toujours renaissants.

Parmi les avantages d’une capitale qui n’est que capitale, on doit compter pour beaucoup celui de placer tous les pouvoirs dans le lieu où il y a le moins d’erreurs et d’intérêts particuliers.

Si la capitale est une grande ville de commerce, l’esprit mercantile prend la place de l’esprit public, et les intérêts de tons les citoyens sont sacrifiés aux préjugés prohibitifs des négociants riches ; on ne fait