Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/158

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sur le préjugé, etc.

ouvriers qui aspirent à se distinguer dans leur art, ceux qui ne peuvent atteindre au premier rang acquièrent cependant, par leurs efforts, quelque degré d’habileté de plus, et ils la portent dans les ouvrages plus communs dont ils restent chargés. Si donc nous ne considérons que les lois conformes à l’égalité, à la liberté, à la justice ; si nous abandonnons à lui-même l’accroissement d’une capitale, cet acroissement, nécessité par la nature des choses, et borné par elle seule, loin de nuire au reste de l’empire, ne servira qu’à y assurer aux citoyens l’exercice de leurs droits, à y augmenter les lumières et les jouissances.

Il en résultera des avantages pour les habitants de la capitale ; mais qu’importe si ceux des provinces en profitent. Faut-il renoncer à un bien, parce qu’il est impossible de le répartir également entre tous ? Les hommes ont les mêmes droits, et, à cet égard, l’égalité doit être absolue et rigoureuse ; mais il est impossible qu’ils aient une part égale dans les avantages de la société. La nature même ne l’a pas voulu : ils ne naissent pas avec les mêmes organes ; le sol où ils vivent n’est pas également favorisé ; tous ne peuvent recevoir la même éducation ; tous ne peuvent pas faire le même usage de leurs forces ; tous ne pourraient avoir une part égale de propriété, sans priver l’espèce humaine entière de toutes les jouissances qui naissent d’un heureux concert de lumières, de forces, d’industrie. Les mauvaises lois augmentent les effets de l’inégalité naturelle ; les bonnes lois les corrigent, mais ne les détruisent