Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/170

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sur le préjugé, etc.

étroites, tandis que des impôts secrets en augmentaient le prix. Il était défendu d’y annoncer les ouvrages où la vérité osait se montrer même à demi.

Pourquoi le peuple aurait-il lu, puisque les livres à sa portée ne lui offraient qu’une nourriture empoisonnée par l’hypocrisie ou par le despotisme ?

Comptons encore l’avantage d’être le centre des sciences et des lettres. Je sais que je contredis ici l’opinion commune.

On croit que la constitution nouvelle sera moins favorable aux progrès des sciences, à la culture des lettres. On imagine que tous les hommes étant rétablis dans leurs droits, tous étant appelés aux diverses fonctions publiques, on ne connaîtra bientôt plus d’autre étude que la politique, d’autre gloire que de se faire un nom dans les assemblées de la nation ; et que les citoyens, quels qu’ils soient, pouvant prétendre à tout, se précipiteront dans la carrière de l’ambition. La raison et l’expérience démentent ces craintes.

Les sciences ont-elles été moins cultivées dans Athènes que dans Alexandrie ? L’Angleterre était-elle esclave, lorsque Newton et Boyle y ont fondé une école si féconde en hommes illustres ? Le temps de la gloire de la Hollande dans les sciences n’a-t-il pas été celui de sa liberté ? Dans quelle monarchie a-t-on vu une ville produire une succession d’hommes de génie, comme la patrie des Bernoulli et des Euler ?

Mais, dit-on, les sciences et les lettres ne fleurissent pas en Angleterre, et la politique a tout absorbé. Il est vrai qu’elles semblent avoir fui vers