Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/173

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sur le préjugé, etc.

poésie, l’éloquence, prendront un caractère plus fier et plus libre. Les hommes dont les talents, dirigés vers le bien général, vers le progrès des lumières, qui en est inséparable, mériteront des encouragements et des récompenses, les recevront de la sage économie d’une nation éclairée ; et il est difficile qu’ils y perdent : car ce n’est pas en leur faveur que les princes ont jamais porté la munificence jusqu’à la prodigalité.

Les sciences, les lettres gagneront donc à la révolution ; cette nécessité d’avoir un état pour obtenir de la considération, de s’enrôler parmi les oppresseurs pour ne pas rester parmi les opprimés, de s’élever aux yeux des préjugés pour ne pas être avili par eux, cette nécessité n’existera plus. Quand tous les hommes sont égaux aux yeux de la loi, la supériorité des lumières et celle des talents, ne doit-elle pas devenir naturellement l’objet d’une émulation générale ? Quand toutes les places, à l’exception d’un très-petit nombre, ne sont conférées que pour un temps limité, la vanité même ne doit-elle pas entraîner vers les travaux qui peuvent seuls conduire à des distinctions indépendantes et durables ?

Enfin, sous l’ancien régime, où l’argent, prodigué aux dépenses superflues ordonnées par l’ignorance plus encore que par la corruption, ne manquait que pour les dépenses utiles, où le défaut de confiance empêchait toute entreprise fondée sur ses avantages réels, et non sur une protection ministérielle, Paris n’avait pas les communications par eau nécessaires à la sûreté des subsistances, à la prospérité d’une