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aux amis

varier d’un jour à l’autre. Cette raison subsisterait encore pour une nation qui délibérerait elle-même sur ses lois, où il faudrait convenir que la minorité, en se soumettant au vœu de la pluralité, ne cède qu’à la force, et que la loi exprime une volonté et non un jugement.

La seconde raison est l’impossibilité de concilier la révocabilité perpétuelle des lois, avec la jouissance paisible des droits naturels, l’exercice libre et sûr des facultés de chaque individu, qui sont l’objet de toute constitution, et le premier motif de toute association politique.

On sait que cette révocabilité a détruit les républiques anciennes, quoique plusieurs d’entre elles aient cherché à y mettre des obstacles, dont le choix prouve combien peu les hommes étaient alors avancés dans la science des constitutions politiques[1]. Il est donc nécessaire que la totalité d’une nation, non-seulement obéisse à des lois dont beaucoup de citoyens désirent la révocation, mais qu’elle se soumette pour un temps à des lois que la pluralité désapprouve.

Cette contradiction passagère, entre la volonté du plus grand nombre et la loi, existe même dans les

  1. Pendant quelque temps le peuple d’Athènes s’était interdit de faire des lois nouvelles, à moins qu’elles ne fussent proposées par le sénat. Il s’aperçut que cette forme de constitution était nuisible à la liberté ; elle fut changée, et on imagina de rendre responsable d’une loi nouvelle le citoyen qui l’aurait présentée. Rien ne contribua plus que cette loi à la chute de la république.