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de la liberté, etc.

démocraties immédiates, parce que les citoyens peuvent changer d’avis ; elle semble devoir être plus commune dans les démocraties représentatives. Cependant il est aisé de l’éviter, surtout en faisant en sorte qu’entre la proposition d’une loi et son adoption il s’écoule un temps suffisant pour que l’opinion générale puisse se manifester et être reconnue ; alors cette contradiction n’y existera, comme dans les démocraties immédiates, que si l’opinion générale a changé. Mais comme il est de l’essence d’une constitution libre, que les citoyens aient le droit de se réunir, de discuter leurs intérêts, de présenter leur opinion et leur vœu à ceux qu’ils ont chargés de prononcer en leur nom, il est évident que, dans ces constitutions représentatives, la force ne pourrait maintenir des lois désapprouvées par le grand nombre, sans changer en une véritable guerre l’exercice de la puissance qui protège l’exécution des lois. La contradiction entre la loi et le vœu, non-seulement de la pluralité, mais d’un grand nombre de citoyens, qu’il est difficile de distinguer de celui de la pluralité dans une nation dispersée, y exciterait nécessairement des troubles pendant le temps où cette contradiction doit subsister, si l’exécution des lois n’était garantie par un autre principe, par le respect pour la loi comme loi, même quand on la désapprouve. Un peuple chez lequel ce respect n’est pas un sentiment profond, que tout homme soit obligé de professer, comme celui de l’honneur, un tel peuple ne peut espérer de conserver sa liberté ; il est condamné à la perdre, après avoir