plus OU moins longtemps flotté dans l’anarchie.
Dans un gouvernement arbitraire, où les hommes sont isolés, où il ne peut s’établir de résistance entre la force de quelques citoyens dispersés, et celle dont le despote est armé, elle suffit pour maintenir les lois, bonnes ou mauvaises, émanées de cette autorité ; il importe peu à l’ordre public que le citoyen aime ou déteste les lois, les respecte ou les méprise au fond du cœur, pourvu que la crainte le contraigne à les exécuter. Tant que le despotisme ménage assez les citoyens pour ne pas élever une insurrection générale, et ses satellites, pour être sur de leur dévouement, l’État reste tranquille, et peut même paraître florissant. Mais dans un pays libre aucune force ne peut maintenir l’ordre, si la raison, si la conscience des citoyens ne lui prête son appui.
Ce respect pour les lois, ressort nécessaire dans une nation libre, n’est pas un enthousiasme stupide pour les lois établies, une superstition politique qui suspende les progrès de la raison ; ce n’est pas cette soumission servile que nos anciens tribunaux osaient exiger pour leur législation sanguinaire, lorsqu’ils poursuivaient comme des séditieux ceux qui avaient la témérité de discuter une opinion de Pussort, érigée en loi par Louis XIV, et de révoquer en doute la justice d’un arrêt ridicule ou barbare. Ce sentiment est la conviction intime qu’il importe au salut public que la loi, tant qu’elle subsiste, soit exécutée ; c’est celui qui animait Socrate, lorsque, victime d’un jugement inique, il refusait de s’y soustraire par la fuite.
Ce sentiment existe en Angleterre, malgré la cor-