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aux amis

Pour les grands, le crédit à la cour, l’autorité des premières charges suppléait à leur ancienne puissance, et tous les ordres de la noblesse se partageant entre ces grands, par une sorte de clientèle, s’arrogeaient la même impunité. Des guerres étrangères qui imposaient la nécessité de ménager des capitaines dont les soldats leur appartenaient plus qu’à la patrie, ne permirent pas aux premiers successeurs de Louis XII de donner de la force aux lois, dont cependant la cause se confondait alors avec celle de leur autorité.

Les guerres de religion augmentèrent le désordre. Au moment de la pacification, Henri IV fut obligé, indépendamment de amnistie générale, d’accorder quatre mille lettres de grâce, pour des meurtres et des brigandages qui ne se confondaient pas avec les crimes de la guerre ; il fallut pardonner pour ne pas montrer l’impuissance de punir les coupables, ou d’acquitter les innocents.

Sous les règnes suivants, l’autorité royale, toujours croissante, eut bientôt le pouvoir de maintenir l’ordre ; mais les grands, les magistrats supérieurs en imposèrent encore assez aux ministres, pour se croire, comme eux, au-dessus des lois. Une prison secrète punissait sur eux les mêmes délits que le peuple expiait par des supplices barbares. Encore fallait-il que l’éclat du crime ne permit pas de leur accorder une honteuse impunité.

Dans toutes leurs causes ils avaient des moyens d’éluder les jugements ou de s’y soustraire. Le droit de ne payer ses dettes que volontairement était devenu une