Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/195

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de la liberté, etc.

sorte de privilège pour les présidents des parlements. Dans les impôts directs sur les terres, tout ce qui avait quelque puissance était ménagé. On a vu de nos jours le ministère forcé de changer un intendant, parce qu’il avait osé imposer le vingtième sur la terre d’un premier président. On n’avait pu parvenir à faire payer la capitation aux gens considérables, qu’en la fixant d’après leurs dignités ou leurs places. Tandis qu’une exécution rigoureuse faisait vendre à l’encan les meubles du pauvre qui n’avait pas payé, à peine une lettre polie osait-elle rappeler à un gentilhomme un peu illustré, un oubli de payement qu’on supposait involontaire. Les lois de police n’existaient point pour les gens considérables. Ce mépris des lois, regardé comme une prérogative de la grandeur, et d’une grandeur héréditaire, devait naturellement devenir la prétention de toute la noblesse, de toute la magistrature, et il était impossible de ne pas y céder souvent, et de ne pas la maintenir pour les grands ; en sorte que, de degré en degré, l’obéissance rigoureuse aux lois était devenue l’apanage de la dernière classe du peuple, et le premier devoir du citoyen, la preuve d’un État avili par le préjugé. Ces fers sont rompus ; mais il était difficile que ceux qui étaient dispensés des lois, et ceux qu’on forçait à s’y soumettre par mépris pour eux, trouvassent, au fond de leur cœur, ce respect que la raison ne doit qu’à des lois égales et protectrices.

La haine de l’oppression, retenue par la contrainte, a pu se montrer dès les premiers moments avec une énergie qui aurait dû ôter tout espoir aux oppres-