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sur les émigrants.

justes en elles-mêmes, ont cependant encore besoin d’être justifiées par leur utilité ?

Sans doute, elles auraient été inutiles, si, dès les premiers temps de la révolution, le ministre des affaires étrangères eût parlé le langage qui convient à l’agent d’une grande nation ; si, par exemple, il n’eût pas souffert qu’au moment où la France, agitée par des troubles, fatiguée du désordre de ses finances, oubliait ses propres maux pour secourir l’Espagne menacée, cette même puissance osât refuser tout autre ambassadeur que celui dont une trop juste défiance avait exigé la destitution ; s’il ne se fût pas rendu complice des maux que le fanatisme nous fait aujourd’hui, en laissant un cardinal chargé de soli tenir à Rome la cause de la raison et de la liberté ; si, aux premières insultes faites à des individus de la nation française, il eût osé déployer toute la hauteur d’un peuple libre, qui demande justice au nom de la nature outragée.

Si nos envoyés chez les puissances étrangères, ennemis couverts ou même publics de la révolution, et conservant dans leurs places une immobilité scandaleuse, n’y avaient établi l’opinion qu’il se préparait une révolution contraire ; si, pour les remplacements, on n*avait pas affecté de chercher les hommes qu’il était le plus impossible de soupçonner de ne point haïr la liberté ; si la conduite du gouvernement n’avait pas sans cesse excité une juste défiance ; si les premiers défenseurs des droits du peuple n’avaient pas mérité le soupçon d’en avoir abandonné la cause : si aucun indice n’avait annoncé