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sur les émigrants.

ciens préjugés ; n’a été déterminé à la fuite que par la crainte des troubles trop réels sans doute, mais qu’une exagération coupable a rendus plus effrayants ; il faut y joindre le désagrément passager d’un changement dans leur importance personnelle. Presque tous, une fois assurés de la stabilité de la constitution française, désireront d’en partager les avantages : encore quelque temps, et ils conviendront qu’il n’y a point de proportion entre la suppression d’un vain titre et celle de la Bastille ; ils sentiront qu’il est doux d’être libre ; et quand vous leur offrirez un moyen de prouver qu’ils tiennent encore à la nation, qu’ils ne doivent point perdre sa confiance, et que vous leur laisserez en même temps la liberté de choisir le moment de leur retour, beaucoup profiteront des avantages de cette loi bienfaisante et juste. Croyez qu’ils ne voudront point se déclarer étrangers, et sacrifier des biens réels, pour le vain orgueil de conserver de l’humeur pendant quelques mois de plus. Quant à ceux dont les préjugés sont plus enracinés, mais qui n’ont point formé de projets criminels, qui n’y sont entrés que par complaisance ou par air ; en voyant que leur obstination les exposerait à des malheurs plus grands, croyez qu’ils céderont à la voix de la raison. Ainsi nous verrons le nombre de nos ennemis diminuer, en même temps que nous apprendrons à les connaître.

Ajoutons ici, que si cette espérance était trompée, si l’obstination était générale, elle annoncerait des espérances bien coupables ; elle nous apprendrait que nous devons multiplier les précautions et les efforts.