Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/250

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opinion

Une amnistie accordée sans les réserves, sans les précautions qui doivent accompagner ces actes de clémence, n’a eu jusqu’ici d’autre effet que de confondre l’innocent avec le coupable ; il est temps de les séparer, il est temps que l’homme retenu chez l’étranger par des motifs puissants, que l’homme faible poursuivi par des terreurs imaginaires, ne puisse plus être confondu avec le citoyen parjure, avec l’ennemi de la patrie. Ceux-ci, dira-t-on, nous tromperont encore, ils signeront ce qu’on voudra, et ne respecteront cette nouvelle signature que comme ils ont respecté leurs premiers serments ; mais ne serait-ce rien que d’avoir été à leur perfidie une dernière excuse, que de les avoir réduits à un état où il n’y aura plus que des princes, des courtisans et des ministres qui osent ne point paraître les mépriser ?

Je n’ai point proposé de mettre entre eux aucune distinction. Que l’émigrant qui renonce au litre de citoyen, ou qui refuse de s’engager à ne pas troubler la paix, soit un des suppléants du trône, ou qu’il soit appelé à remplir, à son tour, une lieutenance dans un régiment ; qu’il abandonne la résidence imposée au régent présomptif du royaume, ou celle qu’on exige du fonctionnaire public le moins important, tous sont égaux aux yeux de la loi ; tous, placés dans les mêmes circonstances, doivent également perdre tous leurs droits, et voir également tous leurs revenus suspendus. Osons enfin tout envisager d’un œil égal, et ne caressons pas l’orgueil, même par la distinction d’une rigueur plus grande ; seulement la