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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/379

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de la circulation des subsistances.

bienfaiteur ou celui de ses frères, un simple négociant qui, dans l’espoir d’obtenir un bénéfice légitime, procure aux autres hommes les denrées nécessaires à leurs besoins ; c’est-à-dire, un anneau nécessaire de cette chaîne de travaux, de services et de salaires qui lie tous les individus aux intérêts de la grande famille nationale.

On a cherché à rendre odieux ceux qui font le commerce des grains, en leur donnant les noms de monomoteurs, d’accapareurs. Ce premier mot désigne celui qui voudrait s’emparer seul du commerce d’une denrée, et le second, celui qui s’assure d’avance, par des marchés sur lesquels il donne des arrhes, d’une quantité assez grande d’une marchandise, pour en augmenter la rareté et le prix. Il est aisé de sentir combien de pareilles manœuvres sur les grains deviennent difficiles, lorsque le commerce en est libre, actif, constant, et comment alors une prompte concurrence arrêterait la marche de ces opérations et en détruirait le succès. Ainsi, loin que la crainte du monopole ou des accaparements doive rendre odieux le commerce libre, c’est une raison, au contraire, de désirer d’en voir les agents se multiplier.

Sans doute, dans ce commerce, comme dans tous les autres, les négociants peuvent se livrer à des opérations contraires à l’intérêt public, à la probité. Mais pourquoi, dans les autres commerces, la loi n’a-t-elle rien prononcé contre ces manœuvres ? C’est qu’on a senti la difficulté de distinguer l’innocent du coupable ; c’est qu’on a craint de frapper sur l’industrie, en croyant ne frapper que sur la mau-