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de la nature

une certaine fonction. Elle ne sera pas dangereuse, parce qu’en la supposant assez nombreuse pour agir avec succès contre une troupe de brigands, elle sera toujours trop faible pour menacer la liberté publique, même dans une portion peu étendue du territoire.

Mais il n’en sera pas de même si c’est une classe nombreuse d’hommes, une portion entière du territoire, qui oppose une résistance à la loi ; dès lors on ne peut établir une force suffisante pour la repousser ; et séparée de la masse entière des citoyens sans détruire la liberté, il faudrait moins de temps à cette force ou à ses dépositaires, pour étouffer la volonté nationale sur les points où elle commencerait à se manifester, qu’à la majorité, ou même à une portion considérable de la nation, pour se réunir dans un vœu commun.

La force ne peut donc alors être remise qu’à la généralité des citoyens à portée d’agir.

Mais il faut, avant de juger quand et comment celte force doit se déployer, examiner ici quelles peuvent être la nature et la cause de la résistance.

Cette résistance peut être active ou passive. Dans le premier cas, la force nationale n’ayant qu’à s’opposer à des violences contraires à la loi, ne peut, si elle est bien dirigée, être forcée d’employer les moyens extrêmes, à moins qu’on n’ose en user contre elle-même ; elle ne peut être forcée de verser le sang que dans le cas où elle a pour elle le droit de la défense personnelle ; et dans la circonstance où ce droit est le plus légitime, celui où un homme est in-